Donc, comme nous l'avons vu dans la 1ère partie de ce message, le jeune enfant possède bien plus de connexions synaptiques qu'une personne adulte. Après la naissance, le processus de synaptogenèse s'accélère. Pour donner une idée de l'ampleur de ce phénomène, il y aurait une production moyenne de 1.8 millions de synapses par seconde (!) entre le 2ème mois de gestation et l'âge de 2 ans (information tirée du livre de Jeffrey Schwartz, "The mind and the brain"). Ensuite, une fois que l'enfant grandit, un nombre considérable de connexions synaptiques est progressivement éliminé (processus appelé "pruning" en anglais). Le principe général est que les connexions peu ou non utilisées (c'est-à-dire activées par des stimulations de l'environnement et des comportements émis par la personne) finissent par disparaître.
Une autre information importante à savoir pour comprendre le phénomène de plasticité du cerveau chez le jeune enfant est que les jeunes neurones n'auraient pas une fonction précise déterminée sur le plan génétique. C'est un sujet encore matière à débat dans la communauté neuroscientifique mais il remet en question l'idée que les neurones situés dans une région bien précise (par exemple, une région dans le lobe temporal gauche appelée aire de Wernicke) auraient une fonction génétiquement déterminée (dans ce cas-ci, un rôle dans la compréhension du langage oral). C'est-à-dire que, dans le code génétique, il serait "inscrit" que ces neurones-là, et seulement ces neurones-là, peuvent réaliser cette fonction. De plus en plus, il semblerait plutôt que les jeunes neurones ne sont pas encore "spécialisés" à la naissance et que leur fonction ne serait pas inscrite de manière immuable dans le code génétique. Ainsi, il en découle que des neurones situés dans d'autres régions du jeune cerveau peuvent, si nécessaire, prendre en charge, par exemple, la fonction de compréhension du langage oral. C'est ce que nous allons voir ci-après, dans le cas où un jeune enfant subit des dommages très importants au cerveau.
Au milieu des années 80, dans certains cas d'épilepsies non contrôlées et menaçantes pour la vie du jeune enfant, les neurochirurgiens avaient recours à une chirurgie assez radicale : l'ablation d'un hémisphère cérébral entier (opération appelée "hémisphérectomie"). Par exemple, des enfants ont subi une ablation complète de l'hémisphère gauche. Ce qui a ensuite été observé est que ces enfants, si l'opération avait lieu avant l'âge de 4 ans, étaient toujours capables d'apprendre à parler, lire et écrire. Et ceci alors que l'hémisphère supposé contenir les "zones du langage" avait disparu ! Bien sûr, certains troubles pouvaient être observés (par exemple, au niveau de la vision périphérique ou de la motricité fine) mais, dans l'ensemble, les séquelles étaient assez minimes. Comme mentionné plus haut, pour expliquer un tel phénomène, il faut que le cerveau se réorganise et que les neurones de l'hémisphère droit prennent en charge le développement du langage.
A noter cependant que, si la même opération est réalisée après l'âge de 6 ou 7 ans, il en résultera des troubles du langage sévères et permanents.