dimanche 30 novembre 2008

The Rise of the Cyborgs !

Ci-joint un article très intéressant sur les progrès réalisés en ce qui concerne l'interface "cerveau-machine", avec plusieurs exemples tirés du monde médical. Et ce n'est pas de
la science-fiction !


http://discovermagazine.com/2008/oct/26-rise-of-the-cyborgs/article_view?b_start:int=0&-C=

dimanche 9 novembre 2008

Le cerveau et les émotions complexes

Ci-joint un article sur les émotions et le cerveau. Cet article parle en partie de l'éternel débat "esprit-cerveau" mais, surtout, montre à quel point des zones cérébrales peuvent fonctionner conjointement et sont interdépendantes lorsque nous vivons des émotions complexes.


http://www.newsweek.com/id/158754


Bonne lecture !

samedi 25 octobre 2008

Le cerveau des chauffeurs de taxi londoniens !

Voici 2 articles concernant l'effet sur le cerveau (et plus particulièrement l'hippocampe) de l'apprentissage et de la pratique des itinéraires routiers par les chauffeurs de taxi de la ville de Londres :

http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/677048.stm


http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/7613621.stm



Le principe important à retenir de ces études concerne l'effet d'un entraînement spécifique et intensif sur certaines structures de notre cerveau. D'autres études de ce genre ont par exemple montré que les régions cérébrales motrices activées lors des mouvements des doigts étaient davantage développées chez les violonistes professionnels.


Personnellement, cela fait longtemps que je me dis qu'un entraînement intensif dans le but de maîtriser une compétence particulière devait avoir un effet "mesurable" sur certaines parties du cerveau. Cette hypothèse n'est pas nouvelle et paraît logique (du moins, en ce qui me concerne). Actuellement, cette hypothèse est de plus en plus acceptée parce que des études scientifiques, utilisant les techniques modernes d'imagerie cérébrale, parviennent à mesurer les effets sur le cerveau de la pratique intensive d'un ensemble de comportements spécifiques.
Réflexion : J'espère que des études de ce genre ne vont pas se multiplier à l'infini afin de prouver l'effet d'une pratique comportementale intensive sur le cerveau. En effet, le même genre d'observations (mais concernant des régions cérébrales différentes) pourraient alors être "découvertes" chez les marathoniens, les joueurs de tennis, les jongleurs, les tireurs d'élite, les acteurs de théâtre, les opérateurs de machinerie lourde, etc. Vous voyez où je veux en venir ! Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de réaliser une pléthore d'études de ce genre et de publier pendant de nombreuses années des dizaines d'articles scientifiques afin d'accepter le principe que les comportements humains entraînent des effets sur la structure de notre cerveau. Par contre, il peut être intéressant de mieux connaître la nature exacte de ces effets (par exemple, sur le plan des neurones et/ou des synapses et/ou des neurotransmetteurs, etc.). En ce sens, je pense que ce genre d'études peut alors avoir un certain intérêt.

samedi 27 septembre 2008

La plasticité du cerveau chez le jeune enfant (2ème partie)

Donc, comme nous l'avons vu dans la 1ère partie de ce message, le jeune enfant possède bien plus de connexions synaptiques qu'une personne adulte. Après la naissance, le processus de synaptogenèse s'accélère. Pour donner une idée de l'ampleur de ce phénomène, il y aurait une production moyenne de 1.8 millions de synapses par seconde (!) entre le 2ème mois de gestation et l'âge de 2 ans (information tirée du livre de Jeffrey Schwartz, "The mind and the brain"). Ensuite, une fois que l'enfant grandit, un nombre considérable de connexions synaptiques est progressivement éliminé (processus appelé "pruning" en anglais). Le principe général est que les connexions peu ou non utilisées (c'est-à-dire activées par des stimulations de l'environnement et des comportements émis par la personne) finissent par disparaître.


Une autre information importante à savoir pour comprendre le phénomène de plasticité du cerveau chez le jeune enfant est que les jeunes neurones n'auraient pas une fonction précise déterminée sur le plan génétique. C'est un sujet encore matière à débat dans la communauté neuroscientifique mais il remet en question l'idée que les neurones situés dans une région bien précise (par exemple, une région dans le lobe temporal gauche appelée aire de Wernicke) auraient une fonction génétiquement déterminée (dans ce cas-ci, un rôle dans la compréhension du langage oral). C'est-à-dire que, dans le code génétique, il serait "inscrit" que ces neurones-là, et seulement ces neurones-là, peuvent réaliser cette fonction. De plus en plus, il semblerait plutôt que les jeunes neurones ne sont pas encore "spécialisés" à la naissance et que leur fonction ne serait pas inscrite de manière immuable dans le code génétique. Ainsi, il en découle que des neurones situés dans d'autres régions du jeune cerveau peuvent, si nécessaire, prendre en charge, par exemple, la fonction de compréhension du langage oral. C'est ce que nous allons voir ci-après, dans le cas où un jeune enfant subit des dommages très importants au cerveau.
Au milieu des années 80, dans certains cas d'épilepsies non contrôlées et menaçantes pour la vie du jeune enfant, les neurochirurgiens avaient recours à une chirurgie assez radicale : l'ablation d'un hémisphère cérébral entier (opération appelée "hémisphérectomie"). Par exemple, des enfants ont subi une ablation complète de l'hémisphère gauche. Ce qui a ensuite été observé est que ces enfants, si l'opération avait lieu avant l'âge de 4 ans, étaient toujours capables d'apprendre à parler, lire et écrire. Et ceci alors que l'hémisphère supposé contenir les "zones du langage" avait disparu ! Bien sûr, certains troubles pouvaient être observés (par exemple, au niveau de la vision périphérique ou de la motricité fine) mais, dans l'ensemble, les séquelles étaient assez minimes. Comme mentionné plus haut, pour expliquer un tel phénomène, il faut que le cerveau se réorganise et que les neurones de l'hémisphère droit prennent en charge le développement du langage.
A noter cependant que, si la même opération est réalisée après l'âge de 6 ou 7 ans, il en résultera des troubles du langage sévères et permanents.

jeudi 25 septembre 2008

La plasticité du cerveau chez le jeune enfant (1ère partie)

Bien que ce soit un vaste sujet que je ne maîtrise pas bien, je vais vous parler au mieux de mes connaissances de la plasticité du cerveau chez le jeune enfant et vous apporter quelques éléments d'informations à ce sujet.




Tout d'abord, il faut savoir que, si le développement du cerveau se fait normalement durant la gestation, les neurones produits (processus appelé "neurogenèse") se retrouvent à certains endroits précis dans le cerveau au moment de la naissance. La neurogenèse et la migration des neurones vers leur emplacement dans le cerveau seraient des mécanismes génétiquement déterminés. Et, déjà avant la naissance, des connexions entre les neurones se créent (les synapses ou connexions synaptiques). Ce processus (appelé "synaptogenèse") se poursuit après la naissance à un rythme effréné et le résultat est que le nombre de synapses chez un jeune enfant devient incroyablement élevé. En fait, le nombre de connexions synaptiques est bien plus élevé que chez un adulte ! Par exemple, un enfant âgé de 1 an posséderait environ 2 fois plus de connexions synaptiques que sa mère (ou son père, bien sûr !). C'est un fait important à savoir car cela va vous permettre de mieux comprendre la notion de plasticité du cerveau chez le jeune enfant.




Donc, un jeune enfant (par exemple, 2 ou 3 ans) se retrouve avec un nombre considérable de connexions synaptiques. A quoi cela lui sert-il ? Je vais prendre un exemple dans le domaine du langage pour essayer de répondre à cette question. Il faut savoir qu'il a été assez clairement démontré que le cerveau d'un jeune enfant a le potentiel de reconnaître (ou entendre) tous les sons de chaque langue existante. Par "reconnaître ou entendre", je veux dire que l'enfant est capable de faire la distinction entre, par exemple, le /th/ anglais et le /t/ français, c'est-à-dire que ces sons lui apparaissent différents. Il en serait ainsi de même avec tous les sons de toutes les langues. La conséquence est que, potentiellement, un enfant doit normalement être capable d'apprendre n'importe quelle langue existante, s'il est bien sûr exposé à cette langue dans son environnement immédiat. Et, pour que cette potentialité soit possible, il faut le substrat neuroanatomique adéquat, d'où le nombre considérable de connexions entre les neurones ! Ainsi, au départ, le cerveau du jeune enfant est considéré comme extrêmement "plastique" car il aurait la capacité d'apprendre n'importe quelle langue humaine, et cela dans le respect total de l'accent de cette langue ! Cependant, après quelques années passées dans un environnement où l'on ne parle que le français par exemple, seules les connexions activées par les sons français auront été renforcées. Et, suivant le principe du "use it or lose it", les autres connexions auront été affaiblies (avec la diminution du nombre de synapses), d'où la plus grande difficulté à apprendre une nouvelle langue lorsque l'on est plus âgé, d'où la difficulté à parler cette nouvelle langue sans aucun accent. Ce phénomène a amené un chercheur à dire que si vous n'entendez pas les sons de votre seconde langue (par exemple l'anglais pour un Français) avant l'âge de 10 ans, vous ne serez pas capable de parler cette langue avec exactement le même accent qu'un Anglais de souche. Avec des efforts et de la pratique, vous serez bien sûr capable d'apprendre à parler cette langue mais pas aussi facilement et sans accent comme un jeune enfant peut le faire.



Dans la 2ème partie de ce message, je vais vous montrer à quoi pourrait servir le nombre considérable de synapses lorsque le cerveau du jeune enfant subit un dommage important. Vous verrez alors que la plasticité du jeune cerveau peut être assez impressionnante...

mercredi 24 septembre 2008

A méditer !

Un autre article sur les liens entre la méditation et les modifications structurales du cerveau :


http://www.blog.newsweek.com/blogs/labnotes/archive/2008/03/25/the-lotus-and-the-synapse.aspx

jeudi 14 août 2008

La formation de nouveaux neurones au sein de la structure hippocampique

Dans le domaine des neurosciences, il est maintenant clairement établi que, pour certaines régions du cerveau, de nouveaux neurones peuvent être formés (processus appelé "neurogenèse") après la naissance. La région où ce phénomène a été le plus observé et le plus étudié est l'hippocampe. Rappelons que nous avons 2 hippocampes (droit et gauche), situés dans les lobes temporaux des hémisphères cérébraux. Bien que cela soit encore au stade de l'hypothèse scientifique, la formation de ces nouveaux neurones pourrait jouer un rôle important dans la formation et la consolidation de nouveaux souvenirs en mémoire et donc jouer un rôle majeur dans les apprentissages.
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Cette découverte est importante et j'en parle car elle a notamment contribué à mettre fin à la "croyance" assez largement répandue il n'y a pas si longtemps que, après la naissance, il n'y avait plus formation de nouveaux neurones. D'autres régions du cerveau, comme par exemple le cervelet, seraient aussi le théâtre de la formation de nouveaux neurones après la naissance. De futures recherches en neurosciences vont probablement contribuer à mieux comprendre ce phénomène. Dans tous les cas, ces découvertes ont amené de plus en plus de neuroscientifiques à accepter le fait que la plasticité du cerveau est bien plus grande qu'on ne le pensait à une certaine époque.
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Complément :
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C'est vers la fin des années 1990 que la formation de nouveaux neurones dans l'hippocampe (et plus précisément dans une région appelée "gyrus dentelé" ou "dentate gyrus") a été démontrée par quelques chercheurs, d'abord chez les souris puis chez les rats et enfin chez les humains. Ce processus de neurogenèse est encore loin d'être bien connu. Cependant, il apparaît de plus en plus que ces nouveaux neurones seraient formés à partir de "cellules souches neuronales", lesquelles sont des cellules "immatures" non encore différenciées qui seraient encore présentes dans le cerveau adulte. Ainsi, ces cellules souches serviraient en quelque sorte de support pour la neurogenèse.

lundi 11 août 2008

La méditation peut-elle modifier la structure de notre cerveau ?

En neurosciences, quelques études commencent à montrer que la méditation, pratiquée régulièrement et de manière intensive, peut modifier la structure de certains circuits neuronaux. C'est un sujet controversé mais qui, à mon avis, sera de plus en plus étudié et permettra de faire davantage de liens entre certaines pratiques méditatives (par exemple, celles issues de traditions philosophiques orientales) et leurs effets sur le fonctionnement de notre cerveau. Si le lecteur désire en savoir plus à ce sujet, il peut, entre autres, consulter le très bon site internet "wisebrain.org" (voir dans la liste des sites internet recommandés).



Pour l'instant, voici les liens vers 2 articles sur ce thème :

http://urbandharma.org/udharma8/monkstudy.html


http://www.newscientist.com/article.ns?id=dn8317

dimanche 3 août 2008

2 textes sur la plasticité de notre cerveau !

Le 1er s'intitule "Aging Brain" et peut être consulté via le lien suivant :


http://health.usnews.com/articles/health/healthday/2008/07/11/aging-brain-.html



Le second s'intitule "Passive Learning Imprints On The Brain Just Like Active Learning" et se trouve au lien suivant :


http://www.sciencedaily.com/releases/2008/07/080714111425.htm



Bonne lecture !

jeudi 31 juillet 2008

How Your Brain Can Control Time

Temps estival oblige, je n'ai pas beaucoup le temps de bloguer. Non, ce n'est pas une blague ! Alors, dans le présent message ainsi que dans les suivants, je renvoie le lecteur à quelques articles intéressants.



http://discovermagazine.com/2008/aug/11-how-your-brain-can-control-time/article_view?b_start:int=0&-C

vendredi 4 juillet 2008

The psychology of back pain

C'est le titre d'un article, long mais très intéressant, de Jonah Lehrer sur le traitement des douleurs chroniques au dos. Dans la même lignée que les travaux de Jeffrey Schwartz sur les troubles obsessionnels-compulsifs, cet article explique comment des personnes sont soulagées de leur douleur chronique au dos en agissant sur la perception de leur douleur. C'est en utilisant des traitements de nature psychologique (notamment inspirés des méthodes cognitivo-comportementales) que les personnes parviennent progressivement à mieux controler leur douleur. Ici aussi, comme dans les 2 messages consacrés au traitement des troubles obsessionnels-compulsifs, l'idée est que nous pouvons agir consciemment sur certains mécanismes cérébraux.
Ci-après le lien où vous pouvez lire cet article :
Bonne lecture !

samedi 24 mai 2008

La mémoire procédurale



Suivant le principe développé dans le message précédent ("Cells that fire together, wire together"), parlons un peu de la "mémoire procédurale". Dans la littérature scientifique, cette forme de mémoire a reçu différentes dénominations : mémoire implicite, mémoire motrice, mémoire du cortex moteur, etc.



Prenons l'exemple classique de l'apprentissage du vélo. Lorsqu'un enfant apprend à faire du vélo, au début, ses gestes moteurs sont assez maladroits mais, progressivement (avec, parfois, quelques chutes !), les actions motrices impliquées dans le comportement "rouler à vélo" sont de mieux en mieux maîtrisées et deviennent de plus en plus "automatiques". Que se passe-t-il au niveau du cerveau ?
Durant cet apprentissage, le cortex moteur (plus précisément, les connexions synaptiques entre les neurones de ce cortex) subit des modifications constantes. Au plus l'enfant va produire les mouvements complexes impliqués dans l'action de rouler à vélo, au plus certaines connexions synaptiques vont se renforcer, au plus l'enfant maîtrisera les habiletés motrices reliées au comportement "rouler à vélo". Nous pouvons dire que ces modifications progressives, ce "renforcement" des connexions synaptiques (avec création de circuits neuronaux qui seront "activés" chaque fois que l'enfant va rouler à vélo) sont une forme de "mise en mémoire" de ce comportement. Ainsi, l'enfant a appris comment rouler à vélo et, une fois cet apprentissage réalisé, chaque fois qu'il voudra remonter sur un vélo, il se "souviendra" comment faire. C'est la mémoire du savoir-faire, du comment-faire. C'est une forme de mémoire, essentielle dans notre vie de tous les jours, qui nous permet de nous rappeler les "procédures" impliquées dans des actions motrices complexes.

samedi 17 mai 2008

"Cells that fire together, wire together"



Cette phrase, attribuée au psychologue canadien Donald Hebb, illustre très bien un principe important du fonctionnement de notre cerveau.


Pour vous expliquer ce que peut signifier cette phrase, imaginons 2 comportements humains légèrement différents (ou 2 manières différentes de réaliser un même comportement ; par exemple, se raser la barbe, préparer une omelette, etc.). Nommons ces comportements X et X'.



Maintenant, supposons que, lorsque la personne produit le comportement X, cela active un petit réseau neuronal, composé de 4 neurones (A, B, C et D). Ces 4 neurones sont activés de manière successive. Ainsi, le neurone A émet un influx nerveux (courant électrique qui circule le long de l'axone). Arrivé au neurone B, cet influx nerveux provoque la libération de substances chimiques (les neurotransmetteurs) qui vont "circuler" dans l'espace synaptique (c'est-à-dire le micro-espace entre les neurones A et B). Un influx nerveux sera alors généré à son tour dans le neurone B et ainsi de suite jusqu'au neurone D.



Par contre, lorsque la personne produit le comportement X', cela active un autre réseau neuronal, composé des neurones A, F, G et H. Vous pouvez remarquer que les 2 comportements activent le neurone A. C'est important pour comprendre la suite.

Chaque fois que la personne produit le comportement X, les neurones A, B, C et D sont activés ensemble ("cells that fire together") et, au fil des répétitions de ce comportement, les connexions synaptiques entre ces 4 neurones vont se renforcer ("wire together"). Ainsi, si la personne produit plus souvent le comportement X que le comportement X', la probabilité que le neurone A active le neurone B jusqu'au neurone D sera plus grande que l'activation de F, G et H. Le neurone A devient davantage "lié" au neurone B. Par contre, le lien entre les neurones A et F s'affaiblit.



Au départ, par exemple lors de l'apprentissage d'un comportement, la personne va peut-être produire à la fois les comportements X et X'. Cependant, si la personne finit par produire plus souvent le comportement X, celui-ci va aussi se renforcer (tout comme le réseau neuronal activé par l'émission de ce comportement) et finira par être produit plus souvent que le comportement X'. Une habitude comportementale est en train de naître ! La personne, face à une tâche comportementale précise (se raser, préparer une omelette), va maintenant réaliser cette tâche d'une certaine façon (X) au détriment d'une autre (X').
C'est un principe fondamental pour expliquer notre capacité d'apprendre et de "mettre en mémoire" de nouvelles informations, de nouvelles habiletés, et cela durant toute notre vie !


mardi 13 mai 2008

La réorganisation corticale chez les personnes amputées

Que se passe-t-il dans le cerveau d'une personne amputée ?


Le neurologue V.S. Ramachandran a démontré que, suite à l'amputation d'un membre, certaines parties du cortex de la personne se "réorganisent". Il s'agit plus précisément du cortex somatosensoriel, c'est-à-dire la partie du cortex cérébral qui reçoit les informations (véhiculées par les nerfs sensoriels) des différentes parties de notre corps (mains, jambes, visage, etc.).


Prenons l'exemple de Victor, un jeune homme de 17 ans dont le bras gauche a été amputé au-dessus du coude suite à un accident de voiture. Un mois après l'accident, Victor explique qu'il peut encore sentir la présence de son bras gauche (phénomème du "membre fantôme"). V.S. Ramachandran va faire une expérience. Il lui demande de fermer les yeux et stimule légèrement la joue gauche du jeune homme à l'aide d'un coton-tige. Puis il demande où Victor ressent la sensation créée par le coton-tige. Il situe la sensation sur sa joue gauche mais aussi... sur le dos de sa main gauche ("disparue" il y a un mois !). Lorsque le neurologue stimule la partie du visage située entre le nez et le menton, Victor ressent aussi une sensation au niveau de l'index de la main amputée ! Et, plus étonnant encore, lorsque Victor ressent l'envie de gratter une partie de la main amputée, il va être soulagé s'il se gratte le bas de son visage ! Comment cela peut-il s'expliquer ?


En fait, un phénomème qui avait déjà été observé chez les singes se produit aussi chez les personnes amputées. La stimulation du visage envoie des informations (sous forme d'influx nerveux) vers la zone du cortex cérébral représentant le visage mais également vers la zone corticale qui représente le membre amputé. C'est pourquoi la personne, comme Victor, va ressentir une sensation au niveau des 2 parties du corps ! Cela s'explique, sur les plans neuroanatomique et neurophysiologique, par le fait que de nouvelles connexions neuronales se sont créées entre les 2 zones corticales suite à l'amputation. Précisons que les 2 zones concernées (visage et bras) se situent l'une à côté de l'autre au niveau du cortex somatosensoriel. Ainsi, la zone corticale qui ne reçoit plus de stimulations du membre amputé (on comprend facilement pourquoi !) ne va pas, en fait, rester "silencieuse". Elle va se réorganiser et sera capable de recevoir des stimulations provenant d'autres parties du corps.
Un dernier exemple : il faut savoir que les zones corticales qui représentent les pieds et les organes génitaux sont aussi contiguës. C'est pourquoi une personne amputée d'un pied peut ressentir des sensations dans ledit pied pendant une relation sexuelle !
Je comprends mieux maintenant d'où vient l'expression "je prends mon pied" lorsque l'on ressent du plaisir !

jeudi 8 mai 2008

Les travaux de Jeffrey Schwartz sur les troubles obsessionnels-compulsifs (2ème partie)

Ce message est consacré à la description du traitement cognitif-comportemental élaboré par le psychiatre Jeffrey Schwartz, lequel a eu pour conséquence de diminuer les symptômes obsessionnels-compulsifs et de modifier le fonctionnement de certaines parties du cerveau (voir la 1ère partie de ce message).


Il s'agit d'un traitement composé de 4 étapes (d'où le nom du traitement : "Four Step Method") :



  • La 1ère étape, appelée "Relabeling", consiste a permettre au patient de prendre conscience que les pensées obsessionnelles-compulsives sont causées par un dysfonctionnement de son cerveau et que ces pensées sont donc les symptômes d'une maladie d'origine neurologique. Ainsi, les patients sont amenés progressivement à "observer" consciemment leurs pensées obsessionnelles-compulsives, à ne pas les repousser et à se dire que ce sont bien des pensées intrusives, non volontaires, qui proviennent d'un déséquilibre biochimique du cerveau. Ils en arrivent alors à "réétiqueter" ce qui leur arrive en se disant, par exemple : "Le problème que je vis présentement n'est pas que je dois absolument me laver les mains ; il s'agit plutôt d'une pensée intrusive, provenant d'un dysfonctionnement de mon cerveau, qui me dit que je dois me laver les mains sinon je vais subir une terrible maladie". A cette étape, l'angoisse et le sentiment d'urgence provoqués par les pensées obsessionnelles-compulsives ne disparaissent pas mais le patient apprend à mieux comprendre ce qui lui arrive réellement et à se "dissocier" peu à peu de ces pensées "fausses et trompeuses" ("false and misleading") . Ce ne sont pas mes pensées mais bien les symptômes d'une maladie neurologique !

  • La 2ème étape, appelée "Reattributing" est intimement liée à la 1ère et va seulement un peu plus loin dans le processus déjà commencé. Elle consiste à expliquer pourquoi les pensées obsessionnelles-compulsives reviennent constamment, pourquoi certains circuits neuronaux sont comme "bloqués" et "tournent en rond". Avec images du scanner à l'appui, il s'agit d'expliquer clairement et plus en détail le dysfonctionnement cérébral à l'origine du trouble. Ainsi, le patient est amené à attribuer (d'où le terme "reattributing") les pensées intrusives à des "messages" aberrants générés par un dysfonctionnement spécifique du cerveau.

En résumé, la 1ère étape consiste à savoir ce qui se passe et la 2ème à mieux comprendre pourquoi cela se passe de cette manière. Ces étapes sont importantes pour augmenter la compréhension et la prise de conscience du trouble afin de "préparer le terrain" pour les 2 étapes suivantes, qui vont davantage consister en une prise de contrôle consciente et volontaire du trouble.

  • La 3ème étape, appelée "Refocusing", est au coeur du traitement et est basée sur la notion d'effort volontaire ("willful effort") afin de diriger son attention vers une pensée autre que la pensée obsessionnelle, vers un comportement autre que le comportement compulsif. Cette étape nécessite un effort conscient et systématique de la part du patient. Chaque fois qu'une pensée obsessionnelle-compulsive apparaît, maintenant que le patient connaît et comprend d'où vient cette pensée (voir les 2 premières étapes), il s'entraîne à rediriger son attention vers une habitude, un comportement familiers et agréables (par exemple, marcher, cuisiner, jardiner, faire du tricot, etc.). Ce n'est pas facile et cela demande un effort d'attention soutenu car la pensée obsessionnelle-compulsive est toujours là et provoque de l'anxiété. Il s'agit de la partie la plus difficile du traitement et celle qui va entraîner les modifications dans le fonctionnement du cerveau.
  • La 4ème étape, appelée "Revaluing", a pour objectif de "changer la valeur", de changer le sens de ce qui arrive au patient, à la lumière des 3 précédentes étapes. Ainsi, il reconnaît et ressent pleinement que les pensées intrusives sont fausses, sans significations, sont des "produits toxiques" émanant du cerveau ("toxic waste from my brain") et peuvent être consciemment et volontairement "affaiblies" par d'autres pensées et comportements.

mercredi 7 mai 2008

Can you become a creature of new habits ?

C'est le titre d'un article très intéressant paru récemment dans le New York Times et qui parle, sans utiliser le terme directement, de "self-directed neuroplasticity".

Je vous invite à le lire à l'adresse suivante :

http://www.nytimes.com/2008/05/04/business/04unbox.html?em&ex=1210219200&en=b9a77d6629df9f25&ei=5070

samedi 3 mai 2008

Les travaux de Jeffrey Schwartz sur les troubles obsessionnels-compulsifs (1ère partie)

Au cours des années 1980 et 90, le psychiatre Jeffrey M. Schwartz (de l'université de Californie à Los Angeles) a élaboré un traitement des troubles obsessionnels-compulsifs basé sur la plasticité du cerveau. En voici un résumé. Pour les personnes désirant en savoir plus à ce sujet, vous pouvez consulter la liste des livres recommandés.


Bref rappel : le trouble obsessionnel-compulsif est une maladie neuropsychiatrique caractérisée par des pensées intrusives, répétitives et "non voulues" par la personne, lesquelles entrainent un besoin irrépressible de réaliser certains comportements (la plus connue par le grand public est l'obsession-compulsion de se laver les mains, mais il en existe beaucoup d'autres).


Dans un 1er temps, Jeffrey Schwartz a réalisé des scanners cérébraux (technique d'imagerie médicale) visant à comparer des personnes avec un trouble obsessionnel-compulsif et des personnes ne présentant pas ce trouble. L'objectif était de mieux comprendre le trouble sur les plans neuroanatomique et neurophysiologique afin de pouvoir, sur base de cette meilleure compréhension, élaborer un traitement plus efficace de cette maladie. Sans entrer dans les détails, cette analyse a démontré que 3 parties précises du cerveau sont "hyperactives" chez les personnes avec un trouble obsessionnel-compulsif.


Dans un 2ème temps, le psychiatre a progressivement élaboré un traitement de type cognitif-comportemental (voir la 2ème partie) et l'a appliqué avec des personnes obsessionnelles-compulsives. L'idée générale était de créer un traitement qui "normaliserait" le fonctionnement hyperactif des parties du cerveau impliquées dans la maladie et, par conséquent, diminuerait les symptômes de manière significative. Pour vérifier l'impact du traitement sur le cerveau, un scanner cérébral était administré avant le début du traitement et après la fin de celui-ci.


Le traitement, parfois en combinaison avec une médication antidépressive, a donné de bons résultats, même avec des personnes souffrant d'un trouble obsessionnel-compulsif sévère. Comme nous le verrons dans la 2ème partie de ce message, le traitement avait pour objectif de créer de nouvelles connexions neuronales en "affaiblissant" le circuit neuronal impliqué dans la maladie (c'est-à-dire le circuit formé par les 3 parties simultanément "hyperactives"). Les scanners réalisés après le traitement chez les personnes dont les symptômes avaient diminué de manière significative ont clairement montré des différences dans le fonctionnement de leur cerveau, avec une diminution de l'activité dans les 3 zones impliquées.


Ainsi, cette recherche a pu démontrer qu'un traitement cognitif-comportemental (faisant, entre autres, appel à la volonté consciente et dirigée de la personne) a eu pour conséquence de modifier le fonctionnement électro-chimique de certains circuits neuronaux.

jeudi 1 mai 2008

"The brain that changes itself"

Voici le titre du livre qui m’a fait découvrir de manière plus approfondie le merveilleux monde de la neuroplasticité. Bien sûr, comme neuropsychologue, je connaissais déjà ce concept et je pouvais en voir les effets dans ma pratique professionnelle. Je dirais aussi que, d’une manière plus intuitive, cela fait assez longtemps que je pense que le cerveau peut se modifier structurellement, entre autres de par sa constante interaction avec l’environnement. Cela m’a toujours paru étrange quand j’entendais ou je lisais des personnes considérer (directement ou indirectement) que le cerveau était une sorte de machinerie immuable, totalement programmée génétiquement, et qui, finalement, ne se modifiait pas vraiment sur le plan structurel tout au long de la vie. Mais, c’est grâce au livre sus-mentionné que j’ai commencé à approfondir ce sujet de manière plus systématique et qui m’a amené à créer ce blog.


Depuis, le voyage dans le monde de la neuroplasticité (et aussi de ce nouveau concept fascinant de "self-directed neuroplasticity") se poursuit et, par le biais de ce blog, j’espère pouvoir vous faire partager certaines étapes de ce voyage. Bien sûr, étant donné le caractère assez spécialisé du thème de ce blog et du fait que, jusqu’à présent, nous avons seulement 24 heures dans une journée (!), il y aura des pauses plus ou moins longues entre les étapes. Cependant, même si seulement une seule étape de ce voyage permet au lecteur de vouloir en savoir plus sur le cerveau et de se questionner sur sa capacité à se modifier au fil du temps, alors ce blog aura atteint son objectif !


Alors, bonne route !
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